Un commentaire éclairant sur l’évangile de ce 3ème dimanche du temps ordinaire (année A)

Expérience ou expertise ?
L’heure est aux experts : les médias adorent y recourir pour parler de tout (et parfois de rien). Selon la crise du moment, des experts auront leur heure de gloire médiatique : ce furent les médecins virologues avec la pandémie, ce sont maintenant les experts de l’art militaire ou de la Russie.
⛵️ Mais regardez qui Jésus appelle : 4 pêcheurs, 4 Galiléens un peu frustes… Pas vraiment top si on veut diffuser ses idées ! Jésus n’aurait-il pas mieux fait de choisir parmi ses amis pharisiens quelques érudits versés dans les Écritures ?
Pour devenir chrétien, l’important n’est pas l’expertise, mais l’expérience. Jésus ne choisit pas des experts religieux, mais des hommes d’expérience, l’expérience qu’ils vont vivre avec Jésus. Les apôtres deviendront les témoins privilégiés de l’Evangile, non parce qu’ils seraient les plus intelligents ou les meilleurs orateurs, mais grâce à ce qu’ils ont vécu et partagé avec le Christ. Et c’est de cette expérience tellement enrichissante qu’ils témoigneront avec enthousiasme.
Nous sommes bien plus touchés par les spirituels que par les intellectuels, par les gens qui nous racontent leur expérience du Christ plus que par ceux qui nous expliquent qui est Jésus, des femmes et des hommes d’expérience plus que d’expertise.
Pour nourrir notre empathie, il faut croiser une double expérience : celle de la vie avec l’expérience spirituelle. Qui mieux que quelqu’un qui a été longuement hospitalisé pour aller visiter et accompagner les malades et souffrants ? Qui mieux qu’un papa ou une maman pour parler d’un Dieu Père ? A nous de devenir des femmes et des hommes riches des multiples expériences de la vie, celles qui nous blessent comme celles qui nous épanouissent, et riches de l’expérience spirituelle.
Abbé Olivier Fröhlich, vicaire général du diocèse de Tournai 
(statut FB du lundi 23 janvier 2023) 

5e dimanche de Pâques : le commandement de l’amour

Rien de plus simple que de « liker » 👍 , rien de plus difficile que d’aimer ❤️ .
Ce verbe « aimer » a été mis à toutes les sauces, tellement galvaudé qu’il a perdu sa puissance évocatrice et sa radicalité. Il est vrai que la langue française est ici relativement pauvre, elle qui se contente du même verbe pour dire l’attachement à son chien, le goût pour le chocolat ou la passion pour son amant.
Et je dois bien vous avouer que, quand j’entends seriner comme un refrain mielleux que « Dieu est amour », il m’arrive d’être las de cette antienne tellement consensuelle qu’elle en perd sa force et son sens, qu’elle fait et de Dieu et de l’amour des concepts lisses, fades, lassants de banalité.
L’amour, le vrai, c’est autre chose ! C’est rude, violent, passionnel. L’amour nous fait rougir, sourire, pleurer, espérer… Parfois il fait souffrir. Régulièrement, il entraîne dans des folies. Il comble le cœur quand il est partagé ou l’assèche quand il est meurtri. Il blesse et il cicatrise. Jamais il ne laisse indemne !
L’amour, le vrai, n’est pas qu’un sentiment, un engouement amoureux, un attachement familial ou amical… Il est un engagement de tout notre être, qui doit nécessairement dépasser nos ressentis pour s’accomplir.
L’amour, le vrai, est invitation à aimer aussi ceux qui n’inspirent aucun sentiment de sympathie ni de compassion, à aimer ceux qui sont laids, répugnants ou tombés en déchéance, à aimer ses ennemis ou ceux qu’on présente comme des monstres inhumains…
Mais comment aimer ceux qui ne sont pas aimables ? Une mère pourra-t-elle jamais pardonner à celui qui abuse de son enfant ? Un Ukrainien pourra-t-il jamais excuser le soudard qui a tué son frère, son fils ou son père ? C’est rude, violent… Est-ce même légitime de le demander ???
C’est pourtant ce que signifie aimer à la manière de Jésus, lui qui n’hésita pas à prier pour ses bourreaux : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23,34).
Il ne s’agit pas de trouver l’autre sympathique, ou de lui trouver des excuses… Mais de découvrir en lui la parcelle d’humanité qu’il porte, parcelle parfois profondément enfouie. De ne jamais lui dénier cette dignité, et de nous mettre au service de cette humanité que porte chacun, de croire que nous pouvons la faire grandir.
Parfois, nous nous en sentons incapables – et jamais personne n’a le droit de nous en faire le reproche. Alors, Dieu seul, qui habite au plus intime de notre cœur, peut prendre le relais, et nous apprendre patiemment à aimer. (Evangile de Jean 13,31-35)

Abbé Olivier Fröhlich, vicaire général de Tournai

(article paru sur son profil FB ce 15 mai 2022)

Méditation sur l’évangile de ce dimanche (4ème dimanche de Pâques C)

La première étape de l’émission « The Voice » se base exclusivement sur les voix des candidats. Les coaches leur tournent le dos et se retournent seulement s’ils sont charmés par une voix. Alors l’aventure commence vraiment.
Dans notre vie, il y a des voix chaleureuses qui séduisent, des voix puissantes qui encouragent, des voix mélodieuses qui nous poussent à la rêverie. Mais aussi d’autres voix qui nous crispent ou nous rebutent…
Et puis il y a la douce voix des mamans qui réconfortent et rassurent – comment ne pas l’évoquer en ce jour de fête des mères ! – et la voix de l’être aimé, reconnaissable entre mille.
Et il y a des voix qui nous donnent l’envie d’aller plus loin, de découvrir la personne, le moment où les coaches de « The Voice » se retournent.
Les disciples se sont laissé séduire par une voix, celle de Jésus, une voix qui les touche au cœur, une parole qui les mobilise, une personnalité qu’ils ont envie de découvrir. « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent », dit Jésus. Cette relation qui s’est créée entre eux a suscité la volonté de mieux se connaître, et éveillé l’envie de passer du temps avec lui, d’avancer en sa compagnie sur les chemins de vie qu’il leur traçait.

Abbé Olivier Fröhlich, vicaire général du diocèse de Tournai

« Mater dolorosa »

Au soir du vendredi, reste gravé le visage d’une « mater dolorosa ». Marie vient de perdre son enfant. Y a-t-il plus grande souffrance pour une mère que celle-là ?
Elles sont nombreuses aujourd’hui, ces mères qui souffrent, qui pleurent, qui ont le cœur brisé…
• Mères de Kiev et de Moscou qui, des deux côtés de la frontière, n’ont plus à serrer que le corps sans vie d’un fils ou d’un mari.
• Mères au cœur transpercé qui voient leurs filles violées, leurs fils ruinés par la drogue, leur enfant emporté par un cancer ou un accident de la route.
• Mères d’angoisse qui, sans qu’on ait besoin de leur expliquer quoi que ce soit, vibrent aux détresses de leurs filles et de leurs fils.
Tant de « pietà » qui prennent dans leurs bras leur enfant meurtri ou brisé. Silence et ténèbres, comme au samedi saint.
Et il y a aussi un père de douleur, un Père du ciel qui souffre la mort de son fils avec qui il ne fait qu’un, et qui pleure toutes les morts de ses enfants…
Crépuscule d’un monde… Bientôt, ce sera l’aurore.

 

Abbé Olivier Fröhlich, vicaire général du diocèse de Tournai (publié dans son fil d’actualité FB le 16 avril 2022)

« Jésus, crucifié au Golgotha comme à Marioupol »

Hier, à la Cène, Jésus contemplait l’humanité d’en bas, en lui lavant les pieds. Aujourd’hui, c’est d’en haut que Jésus regarde l’humanité. Du haut de la croix. D’un regard marqué par la vulnérabilité et la fragilité. Et nous levons les yeux pour découvrir l’amour qui se donne tout entier.
La Passion du Christ nous renvoie à toutes les tragédies humaines. Et, cette année, le Christ parcourt son chemin de croix dans les villes et villages martyrisés d’Ukraine. Il meurt sous les bombes à Kharkiv et dans la gare de Kramatorsk, il est enterré dans les charniers de Boutcha.
Et les bourreaux de l’Ukraine n’ont rien à envier à ceux qui ont condamné Jésus à la mort atroce d’un lent étouffement sur la croix, souffrance exposée au voyeurisme des passants. Nous redécouvrons que la barbarie qui anéantit la dignité humaine au Golgotha surgit à nouveau sur la terre d’Europe, et que l’uniforme, depuis le légionnaire jusqu’au troupier russe, permet souvent aux instincts les plus vils de reprendre possession de l’homme.
« Voici que les ténèbres couvrent la terre, et la nuée obscure couvre les peuples » (Isaïe 60,2). Le cri du Christ crucifié au Golgotha et à Marioupol déchire les ténèbres qui envahissent le monde, cri de détresse et d’espérance.
♱ Vendredi Saint: la Passion dans l’évangile de Jean (Jn 18,1-19,42)
Abbé Olivier Fröhlich, vicaire général du diocèse de Tournai (paru sur son profil FB le vendredi 15 avril 2022)