Rien de plus simple que de « liker »
, rien de plus difficile que d’aimer
.


Ce verbe « aimer » a été mis à toutes les sauces, tellement galvaudé qu’il a perdu sa puissance évocatrice et sa radicalité. Il est vrai que la langue française est ici relativement pauvre, elle qui se contente du même verbe pour dire l’attachement à son chien, le goût pour le chocolat ou la passion pour son amant.
Et je dois bien vous avouer que, quand j’entends seriner comme un refrain mielleux que « Dieu est amour », il m’arrive d’être las de cette antienne tellement consensuelle qu’elle en perd sa force et son sens, qu’elle fait et de Dieu et de l’amour des concepts lisses, fades, lassants de banalité.
L’amour, le vrai, c’est autre chose ! C’est rude, violent, passionnel. L’amour nous fait rougir, sourire, pleurer, espérer… Parfois il fait souffrir. Régulièrement, il entraîne dans des folies. Il comble le cœur quand il est partagé ou l’assèche quand il est meurtri. Il blesse et il cicatrise. Jamais il ne laisse indemne !
L’amour, le vrai, n’est pas qu’un sentiment, un engouement amoureux, un attachement familial ou amical… Il est un engagement de tout notre être, qui doit nécessairement dépasser nos ressentis pour s’accomplir.
L’amour, le vrai, est invitation à aimer aussi ceux qui n’inspirent aucun sentiment de sympathie ni de compassion, à aimer ceux qui sont laids, répugnants ou tombés en déchéance, à aimer ses ennemis ou ceux qu’on présente comme des monstres inhumains…
Mais comment aimer ceux qui ne sont pas aimables ? Une mère pourra-t-elle jamais pardonner à celui qui abuse de son enfant ? Un Ukrainien pourra-t-il jamais excuser le soudard qui a tué son frère, son fils ou son père ? C’est rude, violent… Est-ce même légitime de le demander ???
C’est pourtant ce que signifie aimer à la manière de Jésus, lui qui n’hésita pas à prier pour ses bourreaux : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23,34).
Il ne s’agit pas de trouver l’autre sympathique, ou de lui trouver des excuses… Mais de découvrir en lui la parcelle d’humanité qu’il porte, parcelle parfois profondément enfouie. De ne jamais lui dénier cette dignité, et de nous mettre au service de cette humanité que porte chacun, de croire que nous pouvons la faire grandir.
Parfois, nous nous en sentons incapables – et jamais personne n’a le droit de nous en faire le reproche. Alors, Dieu seul, qui habite au plus intime de notre cœur, peut prendre le relais, et nous apprendre patiemment à aimer. (Evangile de Jean 13,31-35)
Abbé Olivier Fröhlich, vicaire général de Tournai
(article paru sur son profil FB ce 15 mai 2022)