Récit gnangnan ou impertinent ?
De grâce, arrêtez de faire des paraboles des histoires gentillettes et moralisantes ! Jésus n’hésite pas à choquer son auditoire quand il raconte.
Avec la parabole du Bon Samaritain, il dépeint prêtres et lévites comme des hommes prisonniers des règles rituelles et aveugles aux détresses de l’humanité. Choquant pour de bons Juifs ! Même si certains devaient sourire dans leur barbe, car, effectivement, le clergé du Temple est sclérosé dans ses pratiques cultuelles.
Plus incongru encore : Jésus loue l’empathie d’un Samaritain. Or les samaritains, cette population mélangée, sont méprisés par les Juifs. Critiquer le clergé, passe encore, mais fallait-il vraiment choisir le visage d’un Samaritain comme modèle de générosité ?
Et voilà que Luc, quand il rédige son Évangile, vient encore ajouter une petite touche : le mot qu’il choisit pour évoquer l’empathie du Samaritain, « saisi de compassion », n’est utilisé ailleurs que pour parler de Dieu ou de Jésus. Le bon Samaritain, c’est donc Dieu lui-même, Jésus qui vient nous rejoindre, nous les femmes et hommes blessés !
Tout est sens dessus dessous : prêtres et lévites sont des êtres insensibles, par contre l’ennemi samaritain est un modèle d’empathie. Et Dieu prend les traits d’un mécréant ! Tous les repères s’effondrent… Et c’est bien ainsi ! Car Jésus veut ébranler les certitudes du légiste. Celui-ci pose une question très théorique : « Qui est mon prochain ? » Jésus va renverser la question : « Qui s’est montré le prochain de l’homme blessé ? »
Renversement de perspective : il ne s’agit plus de savoir qui EST mon prochain mais de DEVENIR le prochain de mon frère en difficulté. Le prochain n’est plus l’autre, c’est moi – moi qui suis invité à me rendre proche, à me laisser toucher par sa situation, à aller vers tout homme blessé, abandonné, pour le prendre par la main.
Le prochain, c’est celui qui se fait proche, et c’est moi.

Abbé Olivier Fröhlich, vicaire général du diocèse de Tournai
Publié sur son mur FB le 10 juillet 2022