+ Je suis né dans le petit village de Frahan- sur-Semois. Ma maison se situait près de l’église. Dans cette église, il y avait un très beau crucifix datant sans doute du 17ème siècle.
Tout le monde l’appelait : Notre Vieux Bon Dieu I * Je le vois encore, comme si c’était hier, accroché au mur près de l’autel latéral dédié à saint Matthieu, le patron de la paroisse.
Il était sculpté dans du bois de chêne et mesurait un bon mètre de haut.
J’étais frappé par le regard du Christ en croix, regard rempli de douceur.
Il avait une particularité : les bras du Christ avaient disparu au cours des temps.
Ce détail me faisait peur et attirait toujours mon regard.
+ Au moment de ma profession de foi, mon vieux curé qui était un homme au visage rude, m’a fait un cadeau que je n’ai jamais oublié.
Il connaissait bien mon attirance pour le Christ sans bras et ma tristesse de le voir ainsi, il me dit simplement à l’oreille :
– Tu sais, Jean, tu peux être les mains de Jésus !
Cette parole s’est imprimée d’un coup au plus profond de moi et elle a été comme un appel qui a guidé le choix de ma vie !
+ J’ai choisi de devenir religieux – pour être proche du Seigneur – et de devenir prêtre – pour me mettre à son service.
+ Quand j’ai été ordonné prêtre, tout le village avait préparé une fête à l’occasion de la première messe que je célébrerais dans l’église Saint Matthieu.
Pour la circonstance, un artisan avait construit un nouvel autel. Et au-dessus de l’autel, Notre Vieux Bon Dieu avait été attaché. Son doux regard attirait les chrétiens qui venaient se réunir.
Vous devinez ma joie lorsque j’ai ouvert mes bras pour inviter tout le monde à la prière, en disant :
– Le Seigneur soit avec vous !
+ Quelques années après, j’ai eu la peine d’apprendre que Notre Vieux Bon Dieu avait été volé pour devenir une antiquité. J’ai eu vraiment de la peine mais la parole de mon vieux curé au visage rude m’est revenue clairement à la mémoire :
– Tu sais, Jean, tu peux être les mains de Jésus I
+ Cela va faire 35 ans que je suis prêtre. J’ai eu la joie d’être professeur pour des 13-14 ans. Que de fois, j’ai écrit au tableau pour aider à comprendre que le Seigneur est toujours vivant auprès de nous !
+ Ces dernières années, j’anime un groupe d’élèves qui veulent prier ensemble, partager la Parole du Seigneur, donner de la joie autour d’eux. Que de fois, j’ai étendu les bras pour animer la prière commune !
+ Depuis 4 ans, je voyage dans le monde pour retrouver mes frères religieux.
Chaque année, je vais en Colombie pour rencontrer 1.500 jeunes qui vivent dans un collège appelé Mi Casa (Ma Maison).
Beaucoup d’entre eux sont, comme on dit là-bas, des enfants des rues qui ont dû se débrouiller pour se nourrir et survivre. Maintenant, ils sont accueillis, apprennent à se servir de leurs deux mains.
J’aime ces jeunes qui veulent s’en sortir. Et lorsque je rentre de Colombie, j’ai plus de courage encore pour prendre en main mon téléphone, pour prendre la volant de la voiture, pour écrire des lettres afin de trouver l’argent nécessaire pour qu’ils aient à manger tous les jours I
+ Et il m’arrive très souvent, de dire :
- Seigneur, oui, je suis tes mains ! Donne-moi ton souffle !