Les vacances : partir

Partir, c’est avant tout sortir de soi. 
Prendre le monde comme centre, au lieu de son propre moi. 
Briser la croûte d’égoïsme qui enferme chacun comme dans une prison. 
Partir, ce n’est pas braquer une loupe sur mon petit monde. 
Partir, c’est cesser de tourner autour de soi-même 
comme si on était le centre du monde et de la vie. 
Partir, ce n’est pas dévorer des kilomètres 
et atteindre des vitesses supersoniques. 
C’est avant tout regarder, s’ouvrir aux autres, aller à leur rencontre. 
C’est trouver quelqu’un qui marche avec moi, 
sur la même route, non pas pour me suivre comme mon ombre, 
mais pour voir d’autres choses que moi, et me les faire voir.
Dom Helder Camara
Paru dans la lettre d’information du site du diocèse de Namur  (23 juillet 2019)

Les vacances… c’est sacré !

Elles arrivent, sont toutes proches… Mais depuis quand? Vous êtes-vous déjà posé la question? Le concept des vacances est lié à l’apparition des civilisations urbaines, contrairement au monde agricole qui, à cause du climat, ne dicte pas un rythme de travail continu tout au long de l’année. Au Moyen Âge, il existait déjà des  »vacances » qui correspondaient à la période des moissons en été, mais aussi l’Eglise ayant une puissance certaine, a décidé des  »jours chômés » comme on disait, que sont les grandes fêtes religieuses: Noël, Pâques, Ascension, Assomption, Toussaint et les fêtes patronales de cités, et vinrent ensuite le lendemain des plus grandes fêtes.
Au XIXe siècle, les vacances se répandent dans toute l’aristocratie et la bourgeoisie d’Europe occidentale. Elles correspondaient donc à la période où les classes supérieures de la société quittaient leurs demeures principales (elles les laissaient vacantes) pour rejoindre des résidences secondaires, profiter de la nature (le romantisme est à son apogée) ou des bienfaits du climat marin ou montagnard pour la santé.
Au début du XXe siècle, tout change avec la « révolution industrielle » et des mouvements sociaux qui vont faire que, seulement en 1936, 2 semaines de congés payés vont être octroyées aux travailleurs. Aujourd’hui nous en sommes à 4 voire 5 semaines.
Dans les années 50, les vacances coûtaient encore cher et, malgré les congés payés, la classe moyenne n’en profitait pas vraiment. Tandis que la nouvelle bourgeoisie se prélassait dans les stations en bord de mer, les ouvriers restaient souvent chez eux pour jardiner ou refaire leurs maisons.
Par contre, aux États-Unis, il n’existe pas d’obligation légale pour les employeurs d’octroyer des congés payés à leurs salariés et, de fait, un quart des salariés n’en bénéficient pas ce qui ne signifie pas qu’ils ne prennent pas de congés, mais sans solde.
Aujourd’hui, partir devient… presque obligatoire et même pour beaucoup à chaque temps de vacances : de Noël (pardon: d’hiver), de Pâques (encore pardon: de printemps, etc.). Et on assiste à d’immenses migrations : pour aller où? A la neige, au soleil, à la mer, à la chaleur, etc. Pour faire quoi? Rien pour certains, visiter pour d’autres, se faire servir, etc. Et parfois, certains se montrent exigeants voire désagréables envers ceux qui se mettent à leur service. Une dernière pub TV nous montre: « Un merci est si facile à dire et si agréable à entendre! »
Mais je ne peux pas ne pas faire écho à tous ceux qui ne peuvent pas partir; certains indépendants, agriculteurs, ou le manque de moyens financiers, les malades et les personnes âgées, souvent plus seules que d’habitude, les enfants qu’il faut « caser » à la plaine de jeux, à tant de stages divers pendant que les parents travaillent. J’ai même connu personnellement des jeunes venant aux camps scouts, guides, patros… pendant que les parents partaient… en vacances… tranquilles.
Oui, c’est bien et c’est bon et utile les vacances… à condition de bien s’en servir !
Et j’en viens à la cerise sur le gâteau: combien d’entre nous profitent-ils de ces moments pour remettre un peu de sang neuf dans leur vie spirituelle, dans le cœur de leur foi: par la prière, un peu de temps pour l’Evangile, une petit temps de retraite, mettre sa vie devant le Seigneur et remettre sa fidélité dominicale en « route », si elle s’est éloignée: bref du temps pour Dieu et cela nous éloigne du risque, tant répandu et maladif que l’on peut appeler « l’anorexie spirituelle ». Du temps qui nous fait du bien à nous et comme l’un ne va pas sans l’autre justement: et aux autres. Une meilleure écoute de nos proches, une visite surprise à tel ou telle, une personne seule, isolée, malade, dans un home. « Ce que tu as fait au plus petit d’entre les miens, c’est à Moi que tu l’as fait ».
Oui, c’est bon les vacances, que tous vous en profitiez pleinement dans tout ce que choisissez, … en ne mettant pas des OU, où il faut mettre des ET.
VIVE LES VACANCES.
Chanoine Jean-Paul Demaret

Coeur en vacance, coeur vacant !

Que faire pour vivre des vacances heureuses, vivifiantes, régénérantes? Quelle attitude profonde me faut-il cultiver pour de bonnes, de vraies vacances? Il s’agit tout simplement de me mettre le cœur en  »vacance » (au singulier!), de le libérer et l’alléger de tout ce qui l’encombre ou le tiraille en sens divers. Il s’agit de me disposer, de m’unifier en un geste intérieur d’accueil.
L’effort à faire – car effort il y a – consiste à accueillir, encore et encore, tout ce qui s’offre à moi de toutes sortes de manières, par mes yeux, par mes oreilles, par tous mes sens. Me tenir en éveil, attentif à recevoir ce que chaque lieu, chaque moment, chaque rencontre m’offre d’unique et de neuf. Me laisser combler par ce qui se donne à tout instant et que dans la presse du travail quotidien je n’avais pas le loisir de vraiment percevoir et recevoir. Temps de  »vacance », temps vacant, temps de relâche, où la pression s’atténue et me laisse plus libre de me tenir  »en posture d’accueil »,  »en posture de prière » (François Cheng). 
La place libre, la place vacante ainsi dégagée en moi me permet de faire place à la beauté, à la gratuité. Le temps des vacances me fait le cadeau de me sortir de mes habitudes et rythmes quotidiens, il me met en  »vacance », en disponibilité, et il favorise ainsi un élargissement de mon être: celui-ci s’ouvre, se rend plus sensible, développe en soi la capacité d’accueil à l’égard de tout le réel: un paysage, un chant d’oiseau, un coucher de soleil, un visage…
Ce n’est plus le moment des projets et des objectifs, ni non plus le temps des contraintes horaires et des agendas surchargés.  »Agenda » signifie étymologiquement (en latin)  »les choses à faire ». Mais pendant les vacances, plus de choses à faire. Il me suffira d’être, de simplement être […].
 
Frère Bernard-Joseph Samain, abbaye d’Orval
(extrait du billet spiritualité publié sur le site du diocèse de Namur – été 2012).