Homélie – Croix glorieuse – Abbé Fernand Stréber

Première lecture « Celui qui regardait vers le serpent de bronze restait en vie ! » (Nb 21, 4b-9)

En ces jours-là, en chemin à travers le désert, le peuple perdit courage. Il récrimina contre Dieu et contre Moïse : « Pourquoi nous avoir fait monter d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir dans le désert, où il n’y a ni pain ni eau ? Nous sommes dégoûtés de cette nourriture misérable ! » Alors le Seigneur envoya contre le peuple
des serpents à la morsure brûlante, et beaucoup en moururent dans le peuple d’Israël. Le peuple vint vers Moïse et dit : « Nous avons péché, en récriminant contre le Seigneur et contre toi. Intercède auprès du Seigneur pour qu’il éloigne de nous les serpents. » Moïse intercéda pour le peuple, et le Seigneur dit à Moïse : « Fais-toi un serpent brûlant, et dresse-le au sommet d’un mât : tous ceux qui auront été mordus,
qu’ils le regardent, alors ils vivront ! » Moïse fit un serpent de bronze et le dressa au sommet du mât. Quand un homme était mordu par un serpent, et qu’il regardait vers le serpent de bronze, il restait en vie !

Évangile  « Il faut que le Fils de l’homme soit élevé » (Jn 3, 13-17)

En ce temps-là,  Jésus disait à Nicodème : « Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. »

Homélie

Une fois encore la liturgie nous présente une histoire pour le moins étrange.  Le peuple hébreu, dans le désert, est envahi par des serpents à la morsure mortelle.

Jusque-là, on veut bien l’admettre mais ce qui devient plus difficile à avaler c’est l’histoire du serpent que Moïse fait dresser sur un mât pour que tous ceux qui sont mordus soient guéris simplement en levant les yeux sur ce serpent d’airain (de bronze).

Ce qui ne facilite rien c’est que l’Evangile reprend cette anecdote en faisant le parallèle avec Jésus suspendu à la croix.  « Tous ceux qui le regardent et croient obtiennent la vie ». Qu’est ce que tout cela peut bien vouloir dire à l’homme moderne de notre époque ?

Essayons de décoder.

Le serpent est le symbole du mal et de la mort.  Pourquoi le serpent ?

Parce qu’il est un animal surprenant, qui rampe et se cache dans les herbes et sous les pierres.  Son apparition effraye et terrorise.  Il endort sa proie et sa morsure est mortelle.

Il est bien l’image du mal, le mal qui nous surprend, qui nous atteint là où on s’y attend le moins.  Le mal, la mort nous effrayent, nous terrorisent.  Devant ce mal nous sommes aussi hypnotisés, subjugués, sans réaction, paralysés…

L’homme n’a-t-il pas toujours eu cette tentation de feindre, d’ignorer le mal, fermer les yeux, comme l’autruche qui se cache la tête dans le sable pour échapper à la menace et ainsi devient une proie bien plus vulnérable ?

Moïse veut donner une antidote au mal qui menace le peuple hébreu.  Ce contrepoison est tout simple : Il suffit de mettre le mal au grand jour, le faire sortir de sa tanière où il se tapit pour mieux atteindre sa proie.

Moïse érige donc un serpent d’airain qu’il suspend à un poteau.  Ce serpent étalé à la vue de tous, bien visible, perd son caractère surprenant et, par le fait même, n’est plus si effrayant, parce qu’il entre dans le quotidien de la vie.

Cela signifie que le premier remède au mal c’est d’oser le regarder en face, sortir du déni.    Ex. : Une personne souffrant d’alcoolisme commencera son chemin de guérison dès qu’elle le reconnaîtra.  Le mal  reste un adversaire, il est toujours là.  Puisqu’on le regarde, il est localisé, il ne peut plus nous surprendre ni nous terroriser.  Désormais on se sent à armes égales et on ose l’affronter.  Il est évidemment plus facile d’affronter un adversaire visible que s’il est caché.

N’est-ce pas aussi le sens de la croix de Jésus ?

En effet, elle nous montre l’innocent mis à mort, c’est-à-dire le mal dans toute son horreur et sa perversité, sa perfidie.  Ne croyons pas que Jésus soit venu pour exalter la souffrance mais plutôt pour la dénoncer en la mettant au grand jour.  Il nous invite de la même manière que les hébreux dans la 1° lecture, à la regarder, non pas par masochisme, mais pour que nous ayons désormais l’audace et le courage de nous attaquer à ce mal qui nous défigure et défigure le monde.

Oui, la croix reste un scandale.  Si nous la suspendons dans nos maisons (cellules), voire même à notre cou, c’est bien plus que par simple piété mais c’est pour la regarder en disant : « plus jamais ça » comme le disait la foule lors des commémorations des deux derniers conflits mondiaux, ou après la pandémie récente du Covid : « plus jamais ça ».

La croix du Christ est donc pour nous une arme efficace pour lutter contre le mal quel qu’il soit.  La croix du Christ est le signe de l’espérance et de la vie plus forte que la mort pour toutes celles et ceux qui sont écrasés sous le poids  du mal.

Abbé STREBER Fernand

P’tit rawett’: UNE CROIX, C’EST UNE FENÊTRE

Ce soir-là, mon cœur est lourd, mon corps pesant. J’entre dans la chambre de Lucienne à l’heure où elle s’endort, pour l’embrasser.

            – Tu sais, maman, une croix…

            (Aurait-elle perçu ce que je vis ? Mes pensées défilent plus vite que ses mots.)

            – Une croix, oui, je sais…

            – Une croix, c’est une fenêtre.

            – ?

            – Tu ne comprends pas. Regarde, maman.

            Ma petite fille – quatre ans -, qui ne sait pas écrire mais seulement dessiner, s’assied sur son lit, prend un stylo-feutre et un papier pour m’aider à voir.

            Elle trace une croix et l’entoure d’un carré.

            – Tu vois maman, une croix, c’est une fenêtre.

            Mon corps s’allège comme l’éclair, mon cœur à nouveau bat à l’endroit.

            – Ce que tu me dis est merveilleux. Je l’écrirai dans mon cahier pour te le redire quand tu seras grande.

            Et ma petite fille, déjà si grande, qui ne s’embarrasse pas avec la subtilité des verbes irréguliers, me répond, l’air très assuré :

            – Ce n’est pas la peine, maman. Je le “sauverai” toujours.

Journal « La Croix »

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