MISE À JOUR DU 24 NOVEMBRE 2024 : Depuis 2022, je n’ai jamais cessé de penser à K., où elle était, si elle était en bonne santé etc…. Je cherchais comment la retrouver, je n’osais pas faire un appel sur un réseau social très connu à cause de sa situation… En septembre, j’ai appris par l’ancienne institutrice de sa fille qu’elle n’était plus dans le centre de réfugiés de mon coin, mais à Mons et qu’elle avait gardé contact avec C., une dame du village de l’école de sa fille. … et qu’elle se renseigne et me tient au courant. Remplie d’espoir, le temps passe et pas de nouvelles … Une amie d’enfance, à qui je raconte ma rencontre avec K., me parle d’une certaine C. (est ce la même ou pas?) qui travaille au centre Fedasil et pourrait me renseigner. Grâce à elle, j’apprends que K. n’est pas à Mons mais à Liège, et qu’elle a gardé contact avec elle. Me demandant si je l’ai marqué « autant » que moi, j’ose la question : peut-elle lui demander si elle est d’accord de me donner son numéro de portable. K. se rappelle de moi et accepte ma demande. Et je l’appelle hier matin. Que d’émotions, de joie, elle va bien, a des papiers, elle me demande trois fois des nouvelles de ma santé, de ma famille, je lui annonce que je suis mamy. Elle parle spontanément de son ressenti face à la maladie, du découpage du Notre Père avec AMEN, tout ce qu’on a partagé sur ce temps si court mais combien intense … Sur son portable, elle a toujours la photo que nous avions prise ensemble dans notre chambre d’hôpital … Tout de suite, elle m’invite à aller chez elle … Ca fait drôle de l’entendre bien parler français … Il faut dire que ça me facilite la tâche avec mon anglais super hésitant et basique … 🙂 Elle me parle de ses projets, je lui dis que j’ai tout de suite perçu chez elle à l’époque une envie d’avancer, de se projeter dans le futur en Belgique. Un beau partage, une belle poursuite de notre connivence … Merci à toutes les personnes qui ont apporté leur pierre pour que ces retrouvailles téléphoniques puissent se dérouler même si une visite est évidemment à l’ordre du jour ! Encore sur mon petit nuage, je crois que je viens de recevoir la seconde partie du CADEAU ! Véro
Lors de chaque séance de chimio, je bénéficie du casque réfrigérant pour empêcher ou du moins limiter la chute de mes cheveux. A l’appareil en question sont attachés deux casques permettant donc à deux patientes de porter ce couvre-chef particulier. Donc, chaque semaine, c’est un peu la surprise … avec qui vais-je partager le dispositif en question ? Une dame qui est sympa ? Qui va papoter un petit peu ou beaucoup ou pas du tout … Par contre, j’étais bien loin de me douter que j’allais rencontrer une dame de 44 ans, K., exilée de Kaboul, refugiée dans un centre situé dans mon doyenné et … musulmane … La 1ère fois ou nous avons été côte à côte, j’ai tout de suite été impressionnée par son sourire derrière son masque, ses superbes cheveux et son naturel. Lors de cette première rencontre, la responsable du service lui explique avec beaucoup de patience comment va se passer la chimio, les effets secondaires etc… … et la pose du port-a-cath qui doit avoir lieu quelques jours plus tard. Soudain, le rideau qui avait été tiré entre nous pour plus d’intimité s’ouvre et la responsable me traduit en français les questions que K. souhaite me poser par son intermédiaire … Tout de suite après, elle lui confie que j’ai réussi à la rassurer et qu’en plus je n’ai pas l’air stressée… Et nous avons continué à un peu parler ; elle en anglais en me posant encore quelques questions et moi en anglais « baragouiné » … 🙂 Nous nous sommes quittés en nous disant merci et « Nice to meet you ».
Et hier, pour ma dernière chimio, K. rentre dans la chambre pour la seconde fois. … les sourires sont au rendez-vous et nous reparlons un peu ensemble … L’infirmière qui s’occupe d’elle lui demande : « You know Madame Paquay ? » Elle répond en anglais : « oui, c’est la deuxième fois qu’on se voit … »
Pour tuer le temps, j’ai expérimenté, sans succès, plusieurs occupations : mots croisés, lecture, télé … Il faut dire que le masque, le casque et le « tuyau » de chimio … me donnent souvent l’impression d’être coincé, cette fois là, je suis venue avec du découpage caté, la seule activité qui trouve grâce à mes yeux en ces circonstances. K. le remarque et m’en parle … j’essaie de lui expliquer que je donne caté … et elle comprend assez rapidement le sens de ma démarche. L’infirmière entre pour son injection d’immunothérapie et lui demande si elle veut découper avec moi et elle répond oui … Les ciseaux promis par l’infirmière arrivent et, de mon lit, sont transférés, un sac plastique pour les déchets papier, des enveloppes et les petits cœurs à découper … C’est en fait la prière du Notre Père découpée en plusieurs phrases… à remettre dans l’ordre par les enfants.
Et nous voilà toutes les deux bien concentrées à notre occupation conjointe de découpage …, ce qui a fait le tour du bureau des infirmières paraît il ! A un certain moment, K. me dit spontanément presque dans un cri : « Amen, Amen »… Je suis un peu interloquée et elle ajoute que le mot AMEN dont elle est occupée à découper le cœur est le dernier mot d’une prière musulmane dite par le plus âgé du groupe qui prie. Elle commence aussi à me parler de sa vie au centre et à Kaboul. La vie là-bas n’est pas facile pour les femmes et les enfants : matériellement d’abord ou il n’y a ni gaz, ni électricité … Les hommes sont souvent partis et reviennent seulement quelques jours … Les femmes cuisinent sur un poêle à bois … Elle-même travaille pour améliorer le bien-être des femmes et des enfants, mais, très peu de ses consœurs ont cette chance … Il n’y a pas d’opportunités, de futur, d’espoir d’une vie meilleure là-bas est c’est pour ça qu’elle a décidé de partir pour ce long voyage de trois mois qui l’a conduit, elle et ses deux enfants, en passant par de nombreux pays à pied et en bateau jusqu’en Belgique … Elle est heureuse ici même si elle espère mieux et a pris tous ses documents pour pouvoir travailler … Elle apprend le français au centre, trouve cela très intéressant, et sa fille encore en primaire lui enseigne aussi la matière vue à l’école.
Elle avoue aussi que sa famille restée en Afghanistan n’est pas au courant de son souci de santé … qu’elle a appris lors d’un check up réalisé au tout début de son séjour en Belgique … J’imagine sans peine son désarroi à ce moment là sans personne à qui se confier, dans une langue et un pays étrangers.
Sa séance terminée, elle attend son taxi qui doit la ramener au centre… et me dit au revoir, en me remerciant pour l’espoir que je lui ai donné la première fois après les larmes qui ont tant coulé à la découverte de son cancer …, elle me souhaite aussi le meilleur et me promet qu’elle priera pour moi… Je lui dis merci pour l’aide apportée, elle me répond que ça lui a fait plaisir de découper pour les enfants du caté et je promets ma prière aussi.
L’ultime « signe » de connivence entre nous est que nos appareils de chimio sonnaient en même temps … à chaque changement de sac à effectuer par le personnel médical… au point que l’infirmière, au bout de la Xème fois, nous dit : « Mesdames, vous vendez du rêve »
Merci K. pour tous nos partages de femme, de mère, de croyante, même au-delà de nos différences Nous nous sommes retrouvés sur l’essentiel « essence ciel » … …
Je considère vraiment cette rencontre comme un merveilleux cadeau qui m’a été donnée comme signe de SA PRÉSENCE à mes côtés… après ce parcours pas évident …
Véronique Paquay
Texte écrit en 2022, juste après ma dernière séance de chimiothérapie.
Merci pour ce beau cadeau qu’est ce témoignage qui me touche beaucoup.
j’ai connu ces moments là de traitement aussi, il y a plus de douze ans
Très belle rencontre que la vôtre , c’est important de la partager car ce sont des moments lumineux
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Merci bcp pour ce commentaire !
Fraternellement
UDP
Véro
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