Homélie – 26ème dimanche temps ordinaire Année B – Abbé Fernand Stréber

Le monopole de la bienfaisance
Première lecture « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! »  – Lecture du livre des Nombres(Nb 11, 25-29)

En ces jours-là, le Seigneur descendit dans la nuée pour parler avec Moïse. Il prit une part de l’esprit qui reposait sur celui-ci, et le mit sur les 70 anciens. Dès que l’esprit reposa sur eux, ils se mirent à prophétiser, mais cela ne dura pas. Or, deux hommes étaient restés dans le camp ; l’un s’appelait Eldad, et l’autre Médad. L’esprit reposa sur eux ; eux aussi avaient été choisis, mais ils ne s’étaient pas rendus à la Tente, et c’est dans le camp qu’ils se mirent à prophétiser. Un jeune homme courut annoncer à Moïse : « Eldad et Médad prophétisent dans le camp ! » Josué, fils de Noun, auxiliaire de Moïse depuis sa jeunesse, prit la parole : « Moïse, mon maître, arrête-les ! » Mais Moïse lui dit : « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux ! »

Deuxième lecture : « Vos richesses sont pourries » (Jc 5, 1-6)

Vous autres, maintenant, les riches ! Pleurez, lamentez-vous sur les malheurs qui vous attendent. Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille sera un témoignage contre vous, elle dévorera votre chair comme un feu. Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours ! Le salaire dont vous avez frustré les ouvriers
qui ont moissonné vos champs, le voici qui crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur de l’univers. Vous avez mené sur terre une vie de luxe et de délices, et vous vous êtes rassasiés au jour du massacre. Vous avez condamné le juste et vous l’avez tué, sans qu’il vous oppose de résistance.

Évangile » (Mc 9, 38-41)

En ce temps-là,     Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.

Homélie

« Hors de l’Eglise, pas de salut ! »  Les plus anciens d’entre nous ont souvenir de cette affirmation, qui claquait comme un slogan.  Et c’était tellement clair qu’on ne sentait même pas le besoin de préciser qu’il s’agissait de l’Eglise catholique, apostolique et romaine, toutes les autres se fourvoyant à coup sûr.

Heureusement ce slogan s’est dégonflé peu à peu.  Qui oserait encore le sortir aujourd’hui hormis des prédicateurs fuyant tout contact avec les auditeurs de son sermon.

Régulièrement, des journées interreligieuses sont organisées : des chrétiens catholiques, protestants, anglicans, orthodoxes, des juifs, des musulmans et des bouddhistes prient ensemble pour la paix, à l’appel des représentants de chacune de ces traditions religieuses.

Quel chemin parcouru!  Quel progrès réalisé!  Et quelle redécouverte du message évangélique!  Car, déjà, la question se posait parmi les apôtres.  C’est l’épisode que raconte Marc dans la première partie de l’évangile de ce W-E.

L’apôtre Jean décrit l’expérience qu’ils ont faite et explique à Jésus comment ils ont réagi: « Maître, dit‑il, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; Nous l’en avons empêché car il n’est pas de ceux qui nous suivent ».

Cet homme n’est pas de ceux qui nous suivent!  Déjà la volonté affirmée d’élever des cloisons, de trier, de séparer.  Le projet de distinguer ceux qui sont du bon côté et ceux qui n’y sont pas.  La prétention d’avoir le monopole du vrai.  Comme si on était propriétaire de la foi, de l’espérance et de la charité.  Comme si on avait le pouvoir d’enfermer l’Esprit de Dieu dans nos catégories, dans nos hiérarchies.

Jean s’étonne :  Cet homme n’est pas de ceux qui nous suivent, et pourtant, il chasse les démons comme nous.  Les apôtres aimeraient avoir le monopole de la bienfaisance et que les choses soient claires.  On veut bien servir mais on aimerait être les seuls à le faire.

Il sera nécessaire aux apôtres – à nous aussi – d’apprendre patiemment, humblement, que partout où des personnes, quelles qu’elles soient, chassent les démons de l’argent facile, des drogues et du racisme, c’est l’Esprit même de Dieu qui est à l’œuvre parmi nous.

Il sera nécessaire aux apôtres – à nous aussi – d’apprendre que partout où des hommes, dont parle l’apôtre Jacques dans la deuxième lecture, luttent pour que les travailleurs moissonnant notre terre récoltent leur salaire, que partout où des personnes travaillent chaque jour, à rendre notre terre habitable ; c’est l’Esprit même de Dieu qui est à l’œuvre parmi nous.

La réponse de Jésus sera d’ailleurs très claire : « N’empêchez pas cet homme car celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »

L’Esprit de Dieu n’est pas notre chasse gardée.  Il souffle où il veut.  Et tant mieux si d’autres chassent les démons d’aujourd’hui.  On n’est jamais trop nombreux à le faire.

Demandons plutôt pour notre Eglise ce que Moise souhaitait déjà pour son peuple dans la première lecture :

« Si le Seigneur pouvait mettre son Esprit sur eux pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes », où tous, même les plus petits, auraient droit à la parole et seraient écoutés. 

Dans cette Eglise, le salut !

Abbé Stréber Fd

P’tit rawett’

Un matin, en relevant les pièges à renards, le trappeur s’aperçoit qu’il ne reste qu’un morceau de patte dans l’un d’eux.  Malgré les souffrances, l’animal a préféré la couper avec ses dents et se mutiler pour être délivré.  C’était cela, ou bien la capture et la mort.

Le piège – Evangile : Mc 9, 42-48

Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. Et si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la. Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains, là où le feu ne s’éteint pas. Si ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-le. Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux pieds. Si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le. Mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux yeux, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. »

Homélie (à la prison)

Un matin, en relevant les pièges à renards, le trappeur s’aperçoit qu’il ne reste qu’un morceau de patte dans l’un d’eux.  Malgré les souffrances, l’animal a préféré la couper avec ses dents et se mutiler pour être délivré. C’était cela, ou bien la capture et la mort.

Cet exemple me fait penser aux paroles de Jésus en Marc 9.v 43 et suivants: « Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la.  Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie, que d’avoir les deux mains et d’aller dans la géhenne, dans le feu qui ne s’éteint pas » …..

Quand un chirurgien se résout à amputer quelqu’un, c’est qu’il n’y a plus d’autre moyen de lui sauver la vie.  Il l’explique à son patient pour que celui-ci accepte cette terrible décision.

« Si je veux être libéré de la « Jupiler », je devrai me faire amputer des deux mains »   me dit un détenu lors de la messe.

C’est exactement ce que Jésus nous dit, dans un sens figuré bien sûr.  Pour affirmer quelque chose de fort, de radical, il choisit d’exagérer, d’utiliser une figure de style provocante qui fera réagir son auditoire.  Son objectif c’est que nous ne rations pas le bonheur qu’il nous destine.

Celui qui veut suivre Jésus et vivre de son bonheur est amené à choisir.  Qui dit choisir, dit renoncer à certaines choses au profit d’autres. 

Pour être libéré de servitudes telles que l’accumulation de richesses, le goût de l’argent, la boulimie, la sexualité irrespectueuse du partenaire, les drogues de toutes sortes, l’alcoolisme, l’addiction aux jeux de hasard, il semble que le bistouri soit souvent plus efficace que la pommade.

Certains choix dans notre vie peuvent nous conduire dans un piège mortel.

Dans ce cas, il nous reste la liberté de faire le ménage dans nos occupations, nos lectures, nos fréquentations, nos loisirs.  Avec vous je demande à Dieu sa force et son aide pour enfin en être délivrés.

Abbé Fernand Stréber

Laissez-nous votre commentaire !