Homélie 12ème dimanche Temps ordinaire – Abbé Fernand Stréber

La tempête apaisée (Job 38,1.8-11 ; Mc 4,35-41) 
Évangile => Mc 4, 35-41

Toute la journée, Jésus avait parlé à la foule. Le soir venu, Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive. » Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était, dans la barque,et d’autres barques l’accompagnaient. Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait. Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence, tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Saisis d’une grande crainte, ils se disaient entre eux : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

Homélie

Dans l’évangile d’aujourd’hui, Marc raconte un récit : celui de la tempête apaisée.  Jésus invite ses apôtres à « passer sur l’autre rive ».    Sur l’autre rive du lac de Tibériade vivent des personnes qui ne suivent pas la religion juive.  Jésus s’engage dans une nouvelle aventure : annoncer la Bonne Nouvelle à ces personnes que les Juifs appellent des païens.

La barque est au milieu du lac.  Tout à coup, la tempête fait rage.  C’est panique à bord.  Les vents se déchaînent.  (Quand il y a rencontre entre les vents venant de la Méditerranée et ceux qui soufflent du désert syrien, d’immenses tourbillons surgissent et peuvent provoquer des vagues très hautes.)

Que Jésus guérisse un aveugle ou un malade, on veut encore bien l’admettre mais qu’il calme la tempête ne trouvez-vous pas que cela devient un peu difficile à avaler ?

Or curieusement, les passages d’évangile les plus difficiles à accepter sont souvent les plus intéressants.  Dans ce récit, Marc fait un condensé de la mort et la résurrection de Jésus.  N’oublions pas qu’il écrit 40 ans après la mort de Jésus.  Pour comprendre ce récit, il faut donc en déchiffrer toute la symbolique.  Le symbole c’est une réalité qui est signe d’autre chose que ce que l’on voit.  Exemple : Les anneaux olympiques  représentent les cinq continents et toutes les nations unies par l’Olympisme.  Ils sont aujourd’hui l’un des symboles les plus connus et reconnus au monde.

« Jésus dormait sur le coussin à l’arrière. ».  Dans la Bible, le sommeil est considéré comme symbole de mort.  Ne disons-nous pas encore aujourd’hui : « il s’est endormi dans la mort. »

En racontant que Jésus dort à l’arrière de la barque, l’évangéliste Marc y voit sa mise à mort au milieu des flots déchaînés de la haine.  On comprend que devant ce « sommeil – mort » de leur maître, les disciples sombrent en plein désarroi.  Ici, comme lors de la passion de Jésus, leur manque de foi est flagrant.

Les apôtres réveillent Jésus.  « réveil » : Nous savons que c’est le même mot qui sera utilisé dans les évangiles pour signifier la résurrection.  Jésus « réveillé. ».  Il va mettre une limite à la violence des vagues.  Il va vaincre les forces du mal.  Jésus est assis à l’arrière de la barque autrement dit il est installé à la place du timonier l’endroit où se place le navigateur pour diriger sa barque.  Donc ici, Jésus est à la manœuvre.

Si nous poursuivons notre lecture nous en arrivons à l’expression « Le vent et la mer lui obéissent. » Que symbolise le mot « mer » ?

Pour les Juifs la mer représente « les puissances du mal ».   Avec la mer ce sont les puissances du mal qui s’agitent violemment sous l’effet du vent (déplacement d’air : une des significations du mot hébreu (ruah).  C’est donc Jésus « réveillé » càd ressuscité qui va vaincre les forces du mal.  Jésus interpelant la mer annonce ce Jésus victorieux de la mort le matin de Pâques.

Pourquoi Marc écrit-il ce récit de manière aussi symbolique  en faisant jouer les deux mots : « dormir & réveiller  » ?

Simplement pour répondre aux besoins de l’Eglise de son temps.  En effet 40 ans après la passion-résurrection de Jésus, les chrétiens de Rome sont pris dans la tourmente des persécutions.  Ils sont prisonniers de leurs peurs.  Au milieu de cette tempête, Jésus semble dormir au ciel (sur un coussin).  Cette « absence apparente » de Jésus au cœur de leurs événements tragiques fait naître le doute en eux : ils se demandent ce que fait Jésus pour les arracher à une mort tragique.

De même que les vagues se sont abattues sur la barque des apôtres au milieu du lac de Tibériade et sur celles des premiers chrétiens à Rome, elles continuent aujourd’hui encore avec autant de force et le Christ semble encore dormir.

Dans la 1° lecture, Dieu met une limite au flot dévastateur des tempêtes. Comme Job, il nous arrive aussi de questionner Dieu, de l’interpeller, nous étonner et réclamer des explications et des comptes .

« Pourquoi ces massacres d’innocents, ces inondations, ces maladies ?  

         Et bien, nous dit Marc, c’est très clair :  Nous ne devons pas attendre d’autres miracles que celui du Christ dormant et réveillé, autrement dit du Christ mort et ressuscité.
Et ce miracle n’a jamais cessé depuis 2000 ans. 
En effet chaque fois que la violence est canalisée,
chaque fois que le courage balaye toutes nos peurs, 
chaque fois que l’amour triomphe de la haine,
c’est une tempête qui est apaisée.
 

Alors, nous voyons des traces de résurrection, nous voyons Jésus présent.
C’est la résurrection qui se perpétue.

P’tit rawett’

J’ai fait un rêve.  Je cheminais sur la plage, côte à côte avec le Seigneur. Nos pas se dessinaient sur le sable, laissant une double empreinte, la mienne et celle du Seigneur.

L’idée me vint, c’était un songe, que chacun de nos pas représentait un jour de ma vie. Je me suis arrêté pour regarder en arrière.  J’ai vu toutes ces traces qui se perdaient au loin, mais je remarquais qu’en certains endroits, au lieu de deux empreintes, il n’y en avait plus qu’une. J’ai revu le film de ma vie.

Oh surprise! Les lieux à l’empreinte unique correspondaient aux jours plus sombres de mon existence, jours d’angoisse ou  de mauvaise humeur; jours d’épreuves et de doute; jours intenables… jours où, moi aussi, j’avais été intenable. Alors me tournant vers le Seigneur, j’osais lui faire des reproches :

– Tu nous as pourtant promis d’être avec nous tous les jours! Pourquoi n’as-tu pas tenu ta promesse? Pourquoi m’avoir laissé seul aux pires moments de ma vie ? Aux jours où j’avais le plus besoin de ta présence?

Mais le Seigneur m’a répondu:

– Mon ami, les jours où tu ne vois qu’une trace de pas sur le sable, ce sont les jours où je t’ai porté!

D’après Adémar de Barros, poète brésilien
extrait de « Il était une foi » : compilation de 150 contes recueil réédité par le CRJC de Liège

Résumé :

A la fin de sa vie, un homme regarda en arrière et vit que, tout le long du chemin, il y avait quatre empreintes de pas sur le sable, les siennes et celles de Dieu. Mais dans les moments difficiles, il n’y en avait plus que deux! Très surpris et même peiné, il dit à Dieu: « Je vois que c’est justement dans les moments difficiles que tu m’as laissé seul…! « Mais non! lui répondit Dieu, dans les moments difficiles, il y avait seulement les traces de mes pas à moi, parce qu’alors… je te portais dans mes bras! »

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