Deuxième lecture (1 Co 11, 23-26) – Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, moi, Paul, j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. » Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.
ÉVANGILE» (Jn 13, 1-15)
Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer, Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. » Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Homélie
Aujourd’hui, nous venons d’écouter le plus ancien récit de l’institution de l’eucharistie écrit par St Paul et le récit du lavement des pieds des apôtres par Jésus.
A Saint Jean a écrit après les 3 autres évangélistes et St Paul. Lors du dernier repas de Jésus avec ses apôtres, Saint Paul et les 3 évangélistes synoptiques ont relaté seulement l’institution de l’eucharistie. Comme ces derniers, Saint Jean fait échos au dernier repas de Jésus avec ses apôtres mais il est le seul à relater le lavement des pieds comme geste lors de ce repas.
Ce passage de l’évangile de Jean fonde une réelle équivalence entre la messe et le lavement des pieds. Jésus est dans l’imminence de sa passion et de sa mort. Il arrive au terme de sa vie terrestre.
Comparons le récit des autres évangélistes et celui de St Jean. J’y trouve quatre ressemblances:
*1 nous sommes à 24 h.00 de la pâque juive.
*2 c’est le dernier repas de Jésus avec les Douze, au cours duquel Il symbolise sa mort imminente.
*3 Jésus précise deux scènes entourant ce repas : trahison de Judas
*4 et reniement de Pierre. (Jn 13,38)
La différence majeure de l’Évangile de Jean, c’est que le lavement des pieds y tient la place de l’institution de l’Eucharistie. Le récit du lavement des pieds révèle sur un registre concret (existentiel) la même chose que le récit liturgique (cultuel) de la Cène. Ces deux gestes de Jésus signifient le don de soi, le service pour les siens. La correspondance est évidente : en remplaçant le récit de l’institution de l’eucharistie par le récit du lavement des pieds saint Jean remplace le récit du sacrement de la messe par la réalité même que ce sacrement signifie, à savoir l’appel au service mutuel de la charité.
Fort de cette découverte, oserais-je affirmer qu’il y a un 8° sacrement : le sacrement du frère.
B Pendant sa vie publique, Jésus a souvent parlé du service, de serviteur.
Deux exemples: « Celui qui veut être le 1° sera le dernier et serviteur de tous. » Mc 9,35
Je {Jésus} suis au milieu de vous comme celui qui sert. Lc 22,27 :
Par contre, dans le lavement des pieds le jour avant sa mort Jésus concrétise ce qu’il a enseigné. Pour moi ce geste a valeur de testament.
Si le partage du pain et du vin lors de l’eucharistie est une invitation à vivre d’une certaine manière, le lavement des pieds l’est tout autant.
C Le début particulièrement solennel de cet extrait du 4e évangile souligne que, pour Jésus, un passage s’annonce : « Le passage de ce monde à son Père » à travers la mort. Dans sa liberté profonde, Jésus se fait serviteur. Il choisit l’attitude de l’esclave. Si tout l’évangile a montré qu’il est bien un « maître » ( – et le récit de la passion le montrera encore –,) cet extrait révèle qu’il peut être appelé maître précisément parce qu’il vit sa vie comme un service. Il lave les pieds de ceux qui sont censés être ses inférieurs, les 12 apôtres. A l’époque, le fait de laver les pieds de quelqu’un était considéré comme une action humiliante que l’on ne pouvait même pas imposer à un esclave juif (mais bien à un esclave non juif). En réalité, Jésus sert ses 12 apôtres à la fois par un enseignement où il se donne à connaître, par le lavement de leurs pieds et par l’institution de l’eucharistie.
D En se faisant le dernier de tous, Jésus conteste de front les logiques hiérarchiques qui classent les humains en supérieurs et inférieurs, entre maîtres et serviteurs. Les supérieurs assurent un fonctionnement du pouvoir qui est susceptible de toutes les dérives, de tous les abus. Dorénavant, tous ceux qui exerceront un pouvoir, si minime ou si grand soit-il, ne devront jamais oublier que le pouvoir doit être vécu avant tout comme un service. Il n’y a pas d’incompatibilité entre l’exercice de l’autorité et le service des autres.
E Le lavement des pieds a une haute portée symbolique. Le geste contient en lui-même sa signification. C’est le sens profond de tout symbole. Il n’a pas besoin d’être expliqué.
F Ce qui se passe lors de ce dernier repas est tout sauf évident pour Pierre. Dans sa spontanéité, sa réaction est foncièrement humaine. Ses protestations manifestent la difficulté d’entrer dans cette façon de vivre, tandis que la réponse apportée par Jésus souligne que l’attitude du service est indispensable pour être en communion avec Lui.
Participer à l’eucharistie ou vivre sa vie au service d’autrui ? Quelle attitude choisir ? Au regard des textes bibliques de ce Jeudi-Saint, ces deux attitudes sont indissociables dans la vie d’un chrétien.
Tout à l’heure, quand nous ouvrirons nos mains pour recevoir le « Corps du Christ », que ferons-nous ensuite de ces mains ?
Fernand STREBER
La p’tit rawette
FLEURS offertes, signe d’une présence
Regardons un bouquet de fleurs.
Au premier regard, il n’y a que des végétaux dont on peut dire le poids, la taille, le nom ; des fleurs qui peuvent servir à garnir.
Mais allons plus loin : un mari s’en va au loin pour une assez longue absence professionnelle.
Avant de partir, il offre un bouquet de fleurs à son épouse. L’intention du mari n’est pas seulement d’offrir des fleurs pour égayer la maison, ce serait un peu court mais il va expliquer qu’il est triste de partir et qu’il veut rester proche de sa femme et qu’il souhaite que quelque chose de sa présence demeure dans la maison.
Voilà donc que ces fleurs changent de nature, elles ne sont plus seulement de simples végétaux, mais le support sensible d’une présence que le mari veut réelle et que la femme ressentira de la même manière.
Grâce à ce que le mari a partagé à sa femme, les fleurs offertes vont continuer à rendre le mari présent d’une manière symbolique mais réelle.
C’est symbolique car les fleurs ne remplacent pas le mari et pourtant elles le rendent réellement présent. C’est vrai, ces fleurs ne sont pas seulement une tache de couleur dans le salon mais elles vont être dans le vase comme la mémoire de la fidélité du mari qui voulait continuer à être symboliquement présent dans le foyer.
Ces fleurs vont être tout le temps comme un rappel de cette volonté du mari de rester proche de son foyer.
NB : Tout cela n’est possible que grâce aux paroles du mari à son épouse. Ces paroles changeront complètement la nature et la signification de ces fleurs.
- CHARLIER, OP, in Eucharistie, Collection « Cahiers de la Parole » n° 9, Maison St Dominique, Bruxelles, 1986, pp. 64-65