Homélie : 5ème dimanche Temps ordinaire Année B (Abbé Fernand Stréber)

Job, 7,1…7; Mc 1,29-39 : Une main tendue pour se redresser et servir
Première lecture – Je ne compte que des nuits de souffrance » (Jb 7, 1-4.6-7)

Job prit la parole et dit : « Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de manœuvre. Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le manœuvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance. À peine couché, je me dis : “Quand pourrai-je me lever ?” Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube.  Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent faute de fil. Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. »

Évangile – « Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies » (Mc 1, 29-39)

En ce temps-là, aussitôt sortis de la synagogue de Capharnaüm, Jésus et ses disciples allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André. Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre. Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait. Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons ; il empêchait les démons de parler , parce qu’ils savaient, eux, qui il était. Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait. Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche.  Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. » Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. » Et il parcourut toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les démons.

Homélie

Concernant la souffrance, il vous est déjà peut-être arrivé de lire ou d’entendre des propos tels que celui que j’ai lu.  Je vous dis tout de suite que j’en ai été scandalisé.  En voici le résumé : « Je crois que la souffrance a été envoyée par Dieu à l’Homme dans une grande pensée d’amour et de miséricorde.  Je crois que la souffrance est dans la main de Dieu pour sauver le monde. »

         Faut-il ne pas savoir qui est le Dieu de Jésus-Christ, faut-il ne pas savoir ce que souffrir veut dire pour écrire de tels propos !

  • Ceux que le veuvage ou le divorce plonge dans une affreuse solitude,
  • Ceux que la mort d’un enfant fait crier de douleur,
  • Ceux chez qui la perte d’un emploi a tué la joie de vivre,
  • Ceux en qui le remords d’une faute ancienne paralyse toute confiance en soi.
  • Ceux qui sont sur un lit d’hôpital ou derrière les barreaux d’une prison.
  • Ceux qui sont affectés dans leur esprit par une souffrance invisible.

Il est assez facile de prolonger la liste des successeurs du pauvre Job, la liste de celles et ceux pour lesquels « la vie de l’homme sur la terre est une corvée  » pour reprendre une expression de la 1° lecture.

En face d’une très grande souffrance, le silence s’impose en premier.  Pour tous ceux qui souffrent, nos pauvres mots humains sont d’un bien faible réconfort.  Et comme dit Saint-Exupéry dans Le petit Prince qui venait d’éclater en sanglots : « Je le pris dans mes bras, le berçai.  Mais je ne savais trop que dire.  Je me sentais très maladroit.  Je ne savais comment l’atteindre, ni le rejoindre.  C’est tellement mystérieux ce pays des larmes 

Face à la souffrance l’Evangile d’aujourd’hui est susceptible de nous orienter.  La belle-mère de Simon est malade.  Jésus entre chez elle.  Ce qui s’est passé ?  Une main !

« Jésus la saisit par la main ».   

Que de fois, la main de Jésus a été le signe de son amour.  4 exemples : 

  • Il a tendu la main à Pierre enfonçant dans les eaux. Mt 14,31
  • Il a pris la main de la fille de Jaïre, venant de mourir. Il lui a redonné vie.
    Mc 5,41
  • On amène à Jésus un aveugle… Le prenant par la main, il le conduisit hors du village… Il lui imposa les mains…. Il lui posa les mains sur les yeux.
    Mc 8,22…25
  • On amène à Jésus des enfants pour qu’il les touche. Après les avoir serrés dans ses bras, il posa les mains sur eux et les bénit. Mc 10,13-16

         Non, la souffrance n’est pas envoyée par Dieu.  Toutefois, lorsqu’une main me relève, il est vrai qu’au cœur de la souffrance, il est possible, qu’après un certain temps, je puisse y découvrir la tendresse et l’amour de Dieu.  Cette main est le signe visible, de la main du Seigneur qui me fait passer du désespoir dans lequel je m’enfonce à l’espérance d’un meilleur.  Quand des personnes ont le cœur en bandoulière, elles sont heureuses de pouvoir saisir une main qui se tend.

         Face au mal, le Christ n’a apporté ni justification ni explication.  Il a simplement pris des personnes par la main « pour les faire se lever », les remettre debout.  « Il fit lever la mère de Simon. »  Ce verbe utilisé par Saint Marc qui écrit en grec est un de ceux utilisés par les évangélistes pour parler de la résurrection de Jésus. 
« Jésus n’est pas venu pour supprimer la souffrance.  Il est venu simplement l’habiter de sa présence. » (Pol Claudel )  
Quand nous sommes souffrants, Dieu ne se réjouit pas de notre mal, ne s’écarte pas de nous.  Par contre, Il nous aide à la traverser et est heureux de nous voir reprendre notre courage à deux mains pour nous remettre debout.

Alors, dit l’Evangile, la belle-mère de Simon se mit à les servir.  La main tendue enclenche une réciprocité.  Une main tendue contribue à découvrir ou à redécouvrir d’autres valeurs comme le service par exemple.

Suivre l’exemple du Christ, c’est ne pas rester impassible, ni insensible devant la souffrance, mais c’est d’abord tout mettre en œuvre pour la faire cesser et ensuite, avec la grâce du Christ et soutenus par la main de personnes qui nous aiment, essayer de transformer la souffrance en une occasion d’aimer davantage.  Souffrir sans être aimé est certainement la chose la plus atroce, mais comprendre qu’à travers la souffrance, en luttant contre elle, on rejoint le Christ qui est allé jusqu’à l’extrême de cet amour.

         Aujourd’hui, en Eglise, prenons conscience que nos mains peuvent prolonger la main du Seigneur.

Abbé Fernand Stréber

P’TIT RAWETT – DES ENNEMIS RÉCONCILIÉS

En 1944, 20.000 prisonniers de guerre allemands arrivèrent à Moscou. Les trottoirs grouillaient de spectateurs, maintenus par les soldats et la police.  La foule était surtout composée de femmes russes aux mains durcies par le travail, qui avaient porté la moitié du fardeau de la guerre.  Chacune d’elles devait avoir eu un père ou un mari, un frère ou un fils tué par les Allemands.  Elles regardaient avec haine dans la direction d’où allait apparaître la colonne.

Tout à-coup, la foule a vu les soldats allemands, maigres, mal rasés, portant des pansements poussiéreux et sanglants, clopinant sur des béquilles ou s’appuyant sur les épaules de leurs camarades; des soldats qui marchaient tête baissée. Un silence mortel envahit la rue. On n’entendait plus que le bruit des bottes qui se traînaient et le martèlement des béquilles.

Puis une femme âgée, aux bottes délabrées, s’est avancée et a touché l’épaule d’un officier de police en disant:  
– Laissez-moi passer.

Il devait y avoir quelque chose dans son attitude qui le fit reculer d’un pas.  Elle marcha jusqu’à la colonne, sortit de son vêtement quelque chose d’enveloppé d’un mouchoir de couleur, et le déballa. C’était un morceau de pain noir. Elle le fourra maladroitement dans la poche d’un soldat, si épuisé qu’il vacillait sur ses jambes. Et de tous les côtés des femmes couraient vers les soldats leur mettant dans les mains du pain, des cigarettes, ce qu’elles avaient.

Les soldats n’étaient plus des ennemis; c’étaient des hommes qui souffraient et la haine des femmes russes s’était transformée en compassion.

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